Maud-Yeuse Thomas
Qui du post-porno quand la pornographie est elle-même encore cet objet de scandales attaqué par la société d’une tradition faussement pudibonde ou encore ce X inassumé par la société de toutes les modernités ? Se suffit-il de dire qu’il est un objet de la culture urbaine contemporaine ? Que nous dit-il ? Que fait-il surtout à cet espace public quand, sortant de l’espace dans lequel le politique l’a confiné plus ou moins associé à l’espace privé ? Exemple avec une féministe universitaire, Michèle Dayras, spéculant sur l’objet « transsexualisme » ou la privatisation par autrui d’existences et corps non-conformes :
Ils (‘elles’) revendiquent des droits qui ne sont pas ceux que les femmes souhaitent obtenir. Par exemple, ils sont adeptes de la prostitution et de la pornographie, fléaux contre lesquels des féministes luttent farouchement (Présidente de SOS Sexisme, Le « Gender à l’américaine, Un verbiage qui noie la réalité du pouvoir patriarcal, http://sisyphe.org/spip.php?article39561).
Si la pornographie semblait sortir de l’espace privé pour interagir dans l’espace publique via le cinéma dans une société andro-patriarcale, le post-porn va sans nuance de l’espace public à l’espace politique sans passer par la case privée. Ou plutôt : l’examinant depuis cette confluence publique-politique obligeant à regarder la part du pouvoir dans les savoirs. Il s’ensuit qu’à placer sexualité, genre et nudité sur scène, fort de l’appui de textes et dispositifs politiques, l’on est forcé de réexaminer la fabrique des espaces dits privés. Sa force réside principalement en ce que son terrain est l’ingérence politique sur ces espaces privés, lesquels sont fondamentalement des espaces politiquement privatisés. Là où son ancêtre nous montrait en gros plan le sexe et sa sexualité, le post-porn propose une critique ouverte via des textes, représentations et mise en scène de nos normes agissantes sur nous. Penser le sexe, revient à penser notre société quand la très graphique porno ne nous montrait que sa mécanique. Le premier montrait à cru, plaçant le corps en centre de sa toile, le second déplace, décale et réinterroge cette place centrale. Quid du corps dans l’espace des déconstructions politisantes et philosophantes, se demande-t-on. Le corps est d’abord un corpus de normes que l’on peut étudier en l’exposant soi-même, se faisant ce corps nu pour mieux en exposer le corpus de normes. Le statut de la pornographie s’en trouve renversé. Sa subversité venait des tabous, silences et scandales le nourrissant mais sa fonction principale résidait non pas tant à montrer la sexualité pour en briser les limites que pour statuer sur celle-ci. Finalement, la graphie cinématique du « porno » redisait la naturalité des rapports homme/femme dans une nudité ininterrogée où le genre semblait disparaître quand, en gait, il régissait encore les statuts, places, positions. Si des « porno alternatifs » ont rapidement vus le jour, ils n’ont jamais pu accéder à la visibilité de son ainé.
Reprenant des questions des champs universitaires et militants, elle vient faire sauter les barrières normatives de ces deux mondes se côtoyant, telles la banlieue et le centre-ville, irrémédiablement séparés et réunis d’un pont au-dessus du fleuve. Ainsi, exerçant la pratique post-porn, Rachele Borghi se déshabille en proposant une analyse de son objet, le tout progressivement. Le texte épousant sa nudité matérielle en proposant de mettre en balance le statut de celle qui parle depuis une discipline et l’espace de l’université : Je suis géographe, dit-elle. Elle montre là les multiples acceptions d’un corps toujours dépendant des normes qui en compose le tissage espace privé/publique, corps subjectif/corps social. Cette fois, la crudité est dans le regard qui, répondant à l’impératif du statut d’universitaire, se trouve déjoué. Vais-je la replacer dans la case militante ou provocatrice ? « Culture basse » et « culture haute » se trouvent ainsi réexposées dans leurs hiérarchies respectives où le premier se voyait plus proche d’un corps « naturel » quand le second voulait se confondre avec les fonctions « supérieures » du cerveau. Le propos est alors mû par ce réagencement : l’organe du cerveau au service de l’organe de la pornographie où quand le « sexe » agit avec celui qui le scénarise. « A la violence de la société, je réponds par le pornoterrorrisme », écrit Diana J. Torres. Pour R. Borghi, ce travail sur le sexe doit commencer par une « nudité dans un lieu où tu n’es pas censée utiliser ton corps ». Ici, celui de l’université où elle expose tranquillement face à un public clairsemé mais terriblement concentré sur le texte de l’organe. Reste à savoir lequel. Il s’agit de redire quelle est la sexualité de ce sexe dans ses textes et contextes tels qu’ils sont vécus par les individus eux-mêmes mais sous dépendance de la typologie privé-publique, ci ramené à l’espace géopolitique masculin. Si l’hétérosexualité est ce régime d’un déjà-là géomasculin, quid de l’homosexualité, bi et trans sexualités ? Le sexe est-il toujours politique ? Quid alors de la nudité dans les espaces publiques ? Est-elle déjà sexuelle ainsi dégenrée ? En sachant sa politisation, quelle est la part subjective restante dans la mise en œuvre d’une sexualité que notre époque veut « épanouissante » ? Comment peut-elle être réellement épanouissante quand elle est l’objet d’un tel corpus de regards prescrits ? La question n’est pas anodine à l’heure des modifications corporelles et de l’intersectionnalité des reformulations postféministes. En écoutant R. Borghi, une question d’une jeune femme m’est revenue : Dieu me voit-il quand nous faisons l’amour ? Question que le postporn reformule immédiatement : Que fait l’Etat, les théories ou Dieu au milieu de nos ébats ? Et de répondre sous forme de questions ; quel rapport notre sexe entretient-il avec notre genre en termes de sexualité et nudité ? Car cette dernière n’est plus jamais nue mais toujours inscrite dans un corpus limité de normes et un contexte situé le délimitant : la nudité renvoie au genre et non à un corps nu. Nous définissons notre corps-sexe par notre genre ainsi doté.es par la culture d’un « sexe féminin » ou « sexe masculin ». Dans cette reformulation, l’on comprend la concurrence inattendue que l’identité de genre dispute à l’identité sexuelle : tous deux sont des concepts d’une acception pas si opposée que cela si ce n’était les conflits instrumentalisant politiquement un clivage afin de pourvoir à une domination d’ensemble. Et ainsi, le transsexualisme devient-il pensable et conceptualisable, que lorsque la trans-sexualité, assez proche de la pan-sexualité, disparaît-elle du paysage ? Tout se passe alors comme si l’identité ne pouvait accéder à une légitimité et stabilité que lorsque la (sa ?) sexualité passe de l’espace public à l’espace privé, du corpus des normes à l’intériorisation cachée de celles-ci. On se rappellera ici utilement que notre culture ne définit pas le genre du corps intersexe, voire qu’il ne le définit même plus par un sexe mais par un état : des états intersexués. Une ultime exception ordonnée « en raison » par l’Occident à son propre régime ou ultime excision du corps non conforme ? « Nous savons que le corps s’est mis à signifier comme ça mais que nous pouvons le faire signifier autrement. Le genre peut être pensé comme les effets de certaines pratiques culturelles […]. Mais nous pouvons nous approprier ce processus et faire ce que nous voulons de notre sexe et du masculin et du féminin » Q comme Queer2. Le zoo renversait dans ses pratiques intersectionnelles les sujets discriminés en regards analysant, renvoyant le curieux au voyeurisme, le zoo en une fabrique d’une monstration évidée de son contexte pour faire surgir un « universalisme ». De fait, la nudité dans un tel contexte oblige à regarder de beaucoup plus près de quelle étoffe est faite la parole universitaire qui sait, se pare et expose ses diplômes, savoirs et paroles lestes d’une maitrise de son sujet. Comment croire qu’il n’y a pas de provocation dans une telle monstration ? Que ne veulent pas voir tous ses regards qui se fixent sur cette parole sachant en évitant la nudité tranquille de R. Borghi ? La pratique de notre nudité est terriblement normée et surtout, elle fait advenir le genre parce que son manque est criant et brusque dans un tel lieu. Un manque qui nous redit que le genre est l’expression de la totalité des effets des pratiques socioculturelles et pour cela, il est irrémédiablement politique car il est définitivement totalisant, cumulant dans son fonctionnement intégration d’un Même et oppression et rejet d’un Autre. Plus que jamais, en ôtant nos vêtements, nous n’ôtons jamais notre genre puisque celui-ci en définit l’enceinte sociopolitique et son intériorisation subjective. Nous ne pouvons distinguer le sexe du genre qu’en sortant du paradigme binaire collectif/individuel, Nous/eux. Plus que jamais cette enceinte traditionnellement définie dans le cadre social est interrogé et en bouscule les délimitations et barrières en faisant surgir les hiérarchies et inégalités d’accès et d’expression. La plage et nos jeux et vacances d’été en est sans nul doute l’expression sociale la plus aboutie. L’histoire de nos corps est désormais inséparable de l’histoire de nos normes. D’où il ressort qu’à tirailler l’un par l’autre, il en advient cette chose que nous appelons contemporainement « déconstruction » : reconstruire en ayant défait de qui avait été construit en produisant de l’exception et de l’exclusion.
Concluons : si dans la pornographie, la scène consistait à faire de la sexualité avec du sexe, le postporn consiste à faire de la sexualité et nudité avec du « Genre », c’est-à-dire des rapports inégaux de sexe transformés en rapports sociaux (de sexe). Plus encore, au sortir de l’atelier mixte drag-king proposé par R. Borghi, il n’y avait plus aucun doute pour tou.te.s les participant.es sur l’occupation spatiale dudit « espace public », étant en pratique une géopolitique masculine et non un espace neutre, ouvert à tou.te.s. Et ainsi de la nudité et sexualité exposées aux violences normatives dès lors qu’elles franchissement le Rubicon de la division si bien nommée « sociosexuelle ». Il s’ensuit que faire surgir le genre dans la graphie porno, au moment même où elle apparaît dans la nudité, c’est faire apparaître la violence des monstrations et normations. Aussi, est-il grand temps de parler de sexualités et non de sexualité, de Genre et non de genres.Maud-Yeuse Thomas
Qui du post-porno quand la pornographie est elle-même encore cet objet de scandales attaqué par la société d’une tradition faussement pudibonde ou encore ce X inassumé par la société de toutes les modernités ? Se suffit-il de dire qu’il est un objet de la culture urbaine contemporaine ? Que nous dit-il ? Que fait-il surtout à cet espace public quand, sortant de l’espace dans lequel le politique l’a confiné plus ou moins associé à l’espace privé ? Exemple avec une féministe universitaire, Michèle Dayras, spéculant sur l’objet « transsexualisme » ou la privatisation par autrui d’existences et corps non-conformes :
Ils (‘elles’) revendiquent des droits qui ne sont pas ceux que les femmes souhaitent obtenir. Par exemple, ils sont adeptes de la prostitution et de la pornographie, fléaux contre lesquels des féministes luttent farouchement (Présidente de SOS Sexisme, Le « Gender à l’américaine, Un verbiage qui noie la réalité du pouvoir patriarcal, http://sisyphe.org/spip.php?article39561).
Si la pornographie semblait sortir de l’espace privé pour interagir dans l’espace publique via le cinéma dans une société andro-patriarcale, le post-porn va sans nuance de l’espace public à l’espace politique sans passer par la case privée. Ou plutôt : l’examinant depuis cette confluence publique-politique obligeant à regarder la part du pouvoir dans les savoirs. Il s’ensuit qu’à placer sexualité, genre et nudité sur scène, fort de l’appui de textes et dispositifs politiques, l’on est forcé de réexaminer la fabrique des espaces dits privés. Sa force réside principalement en ce que son terrain est l’ingérence politique sur ces espaces privés, lesquels sont fondamentalement des espaces politiquement privatisés. Là où son ancêtre nous montrait en gros plan le sexe et sa sexualité, le post-porn propose une critique ouverte via des textes, représentations et mise en scène de nos normes agissantes sur nous. Penser le sexe, revient à penser notre société quand la très graphique porno ne nous montrait que sa mécanique. Le premier montrait à cru, plaçant le corps en centre de sa toile, le second déplace, décale et réinterroge cette place centrale. Quid du corps dans l’espace des déconstructions politisantes et philosophantes, se demande-t-on. Le corps est d’abord un corpus de normes que l’on peut étudier en l’exposant soi-même, se faisant ce corps nu pour mieux en exposer le corpus de normes. Le statut de la pornographie s’en trouve renversé. Sa subversité venait des tabous, silences et scandales le nourrissant mais sa fonction principale résidait non pas tant à montrer la sexualité pour en briser les limites que pour statuer sur celle-ci. Finalement, la graphie cinématique du « porno » redisait la naturalité des rapports homme/femme dans une nudité ininterrogée où le genre semblait disparaître quand, en gait, il régissait encore les statuts, places, positions. Si des « porno alternatifs » ont rapidement vus le jour, ils n’ont jamais pu accéder à la visibilité de son ainé.
Reprenant des questions des champs universitaires et militants, elle vient faire sauter les barrières normatives de ces deux mondes se côtoyant, telles la banlieue et le centre-ville, irrémédiablement séparés et réunis d’un pont au-dessus du fleuve. Ainsi, exerçant la pratique post-porn, Rachele Borghi se déshabille en proposant une analyse de son objet, le tout progressivement. Le texte épousant sa nudité matérielle en proposant de mettre en balance le statut de celle qui parle depuis une discipline et l’espace de l’université : Je suis géographe, dit-elle. Elle montre là les multiples acceptions d’un corps toujours dépendant des normes qui en compose le tissage espace privé/publique, corps subjectif/corps social. Cette fois, la crudité est dans le regard qui, répondant à l’impératif du statut d’universitaire, se trouve déjoué. Vais-je la replacer dans la case militante ou provocatrice ? « Culture basse » et « culture haute » se trouvent ainsi réexposées dans leurs hiérarchies respectives où le premier se voyait plus proche d’un corps « naturel » quand le second voulait se confondre avec les fonctions « supérieures » du cerveau. Le propos est alors mû par ce réagencement : l’organe du cerveau au service de l’organe de la pornographie où quand le « sexe » agit avec celui qui le scénarise. « A la violence de la société, je réponds par le pornoterrorrisme », écrit Diana J. Torres. Pour R. Borghi, ce travail sur le sexe doit commencer par une « nudité dans un lieu où tu n’es pas censée utiliser ton corps ». Ici, celui de l’université où elle expose tranquillement face à un public clairsemé mais terriblement concentré sur le texte de l’organe. Reste à savoir lequel. Il s’agit de redire quelle est la sexualité de ce sexe dans ses textes et contextes tels qu’ils sont vécus par les individus eux-mêmes mais sous dépendance de la typologie privé-publique, ci ramené à l’espace géopolitique masculin. Si l’hétérosexualité est ce régime d’un déjà-là géomasculin, quid de l’homosexualité, bi et trans sexualités ? Le sexe est-il toujours politique ? Quid alors de la nudité dans les espaces publiques ? Est-elle déjà sexuelle ainsi dégenrée ? En sachant sa politisation, quelle est la part subjective restante dans la mise en œuvre d’une sexualité que notre époque veut « épanouissante » ? Comment peut-elle être réellement épanouissante quand elle est l’objet d’un tel corpus de regards prescrits ? La question n’est pas anodine à l’heure des modifications corporelles et de l’intersectionnalité des reformulations postféministes. En écoutant R. Borghi, une question d’une jeune femme m’est revenue : Dieu me voit-il quand nous faisons l’amour ? Question que le postporn reformule immédiatement : Que fait l’Etat, les théories ou Dieu au milieu de nos ébats ? Et de répondre sous forme de questions ; quel rapport notre sexe entretient-il avec notre genre en termes de sexualité et nudité ? Car cette dernière n’est plus jamais nue mais toujours inscrite dans un corpus limité de normes et un contexte situé le délimitant : la nudité renvoie au genre et non à un corps nu. Nous définissons notre corps-sexe par notre genre ainsi doté.es par la culture d’un « sexe féminin » ou « sexe masculin ». Dans cette reformulation, l’on comprend la concurrence inattendue que l’identité de genre dispute à l’identité sexuelle : tous deux sont des concepts d’une acception pas si opposée que cela si ce n’était les conflits instrumentalisant politiquement un clivage afin de pourvoir à une domination d’ensemble. Et ainsi, le transsexualisme devient-il pensable et conceptualisable, que lorsque la trans-sexualité, assez proche de la pan-sexualité, disparaît-elle du paysage ? Tout se passe alors comme si l’identité ne pouvait accéder à une légitimité et stabilité que lorsque la (sa ?) sexualité passe de l’espace public à l’espace privé, du corpus des normes à l’intériorisation cachée de celles-ci. On se rappellera ici utilement que notre culture ne définit pas le genre du corps intersexe, voire qu’il ne le définit même plus par un sexe mais par un état : des états intersexués. Une ultime exception ordonnée « en raison » par l’Occident à son propre régime ou ultime excision du corps non conforme ? « Nous savons que le corps s’est mis à signifier comme ça mais que nous pouvons le faire signifier autrement. Le genre peut être pensé comme les effets de certaines pratiques culturelles […]. Mais nous pouvons nous approprier ce processus et faire ce que nous voulons de notre sexe et du masculin et du féminin » Q comme Queer2. Le zoo renversait dans ses pratiques intersectionnelles les sujets discriminés en regards analysant, renvoyant le curieux au voyeurisme, le zoo en une fabrique d’une monstration évidée de son contexte pour faire surgir un « universalisme ». De fait, la nudité dans un tel contexte oblige à regarder de beaucoup plus près de quelle étoffe est faite la parole universitaire qui sait, se pare et expose ses diplômes, savoirs et paroles lestes d’une maitrise de son sujet. Comment croire qu’il n’y a pas de provocation dans une telle monstration ? Que ne veulent pas voir tous ses regards qui se fixent sur cette parole sachant en évitant la nudité tranquille de R. Borghi ? La pratique de notre nudité est terriblement normée et surtout, elle fait advenir le genre parce que son manque est criant et brusque dans un tel lieu. Un manque qui nous redit que le genre est l’expression de la totalité des effets des pratiques socioculturelles et pour cela, il est irrémédiablement politique car il est définitivement totalisant, cumulant dans son fonctionnement intégration d’un Même et oppression et rejet d’un Autre. Plus que jamais, en ôtant nos vêtements, nous n’ôtons jamais notre genre puisque celui-ci en définit l’enceinte sociopolitique et son intériorisation subjective. Nous ne pouvons distinguer le sexe du genre qu’en sortant du paradigme binaire collectif/individuel, Nous/eux. Plus que jamais cette enceinte traditionnellement définie dans le cadre social est interrogé et en bouscule les délimitations et barrières en faisant surgir les hiérarchies et inégalités d’accès et d’expression. La plage et nos jeux et vacances d’été en est sans nul doute l’expression sociale la plus aboutie. L’histoire de nos corps est désormais inséparable de l’histoire de nos normes. D’où il ressort qu’à tirailler l’un par l’autre, il en advient cette chose que nous appelons contemporainement « déconstruction » : reconstruire en ayant défait de qui avait été construit en produisant de l’exception et de l’exclusion.
Concluons : si dans la pornographie, la scène consistait à faire de la sexualité avec du sexe, le postporn consiste à faire de la sexualité et nudité avec du « Genre », c’est-à-dire des rapports inégaux de sexe transformés en rapports sociaux (de sexe). Plus encore, au sortir de l’atelier mixte drag-king proposé par R. Borghi, il n’y avait plus aucun doute pour tou.te.s les participant.es sur l’occupation spatiale dudit « espace public », étant en pratique une géopolitique masculine et non un espace neutre, ouvert à tou.te.s. Et ainsi de la nudité et sexualité exposées aux violences normatives dès lors qu’elles franchissement le Rubicon de la division si bien nommée « sociosexuelle ». Il s’ensuit que faire surgir le genre dans la graphie porno, au moment même où elle apparaît dans la nudité, c’est faire apparaître la violence des monstrations et normations. Aussi, est-il grand temps de parler de sexualités et non de sexualité, de Genre et non de genres.Maud-Yeuse Thomas
Qui du post-porno quand la pornographie est elle-même encore cet objet de scandales attaqué par la société d’une tradition faussement pudibonde ou encore ce X inassumé par la société de toutes les modernités ? Se suffit-il de dire qu’il est un objet de la culture urbaine contemporaine ? Que nous dit-il ? Que fait-il surtout à cet espace public quand, sortant de l’espace dans lequel le politique l’a confiné plus ou moins associé à l’espace privé ? Exemple avec une féministe universitaire, Michèle Dayras, spéculant sur l’objet « transsexualisme » ou la privatisation par autrui d’existences et corps non-conformes :
Ils (‘elles’) revendiquent des droits qui ne sont pas ceux que les femmes souhaitent obtenir. Par exemple, ils sont adeptes de la prostitution et de la pornographie, fléaux contre lesquels des féministes luttent farouchement (Présidente de SOS Sexisme, Le « Gender à l’américaine, Un verbiage qui noie la réalité du pouvoir patriarcal, http://sisyphe.org/spip.php?article39561).
Si la pornographie semblait sortir de l’espace privé pour interagir dans l’espace publique via le cinéma dans une société andro-patriarcale, le post-porn va sans nuance de l’espace public à l’espace politique sans passer par la case privée. Ou plutôt : l’examinant depuis cette confluence publique-politique obligeant à regarder la part du pouvoir dans les savoirs. Il s’ensuit qu’à placer sexualité, genre et nudité sur scène, fort de l’appui de textes et dispositifs politiques, l’on est forcé de réexaminer la fabrique des espaces dits privés. Sa force réside principalement en ce que son terrain est l’ingérence politique sur ces espaces privés, lesquels sont fondamentalement des espaces politiquement privatisés. Là où son ancêtre nous montrait en gros plan le sexe et sa sexualité, le post-porn propose une critique ouverte via des textes, représentations et mise en scène de nos normes agissantes sur nous. Penser le sexe, revient à penser notre société quand la très graphique porno ne nous montrait que sa mécanique. Le premier montrait à cru, plaçant le corps en centre de sa toile, le second déplace, décale et réinterroge cette place centrale. Quid du corps dans l’espace des déconstructions politisantes et philosophantes, se demande-t-on. Le corps est d’abord un corpus de normes que l’on peut étudier en l’exposant soi-même, se faisant ce corps nu pour mieux en exposer le corpus de normes. Le statut de la pornographie s’en trouve renversé. Sa subversité venait des tabous, silences et scandales le nourrissant mais sa fonction principale résidait non pas tant à montrer la sexualité pour en briser les limites que pour statuer sur celle-ci. Finalement, la graphie cinématique du « porno » redisait la naturalité des rapports homme/femme dans une nudité ininterrogée où le genre semblait disparaître quand, en gait, il régissait encore les statuts, places, positions. Si des « porno alternatifs » ont rapidement vus le jour, ils n’ont jamais pu accéder à la visibilité de son ainé.
Reprenant des questions des champs universitaires et militants, elle vient faire sauter les barrières normatives de ces deux mondes se côtoyant, telles la banlieue et le centre-ville, irrémédiablement séparés et réunis d’un pont au-dessus du fleuve. Ainsi, exerçant la pratique post-porn, Rachele Borghi se déshabille en proposant une analyse de son objet, le tout progressivement. Le texte épousant sa nudité matérielle en proposant de mettre en balance le statut de celle qui parle depuis une discipline et l’espace de l’université : Je suis géographe, dit-elle. Elle montre là les multiples acceptions d’un corps toujours dépendant des normes qui en compose le tissage espace privé/publique, corps subjectif/corps social. Cette fois, la crudité est dans le regard qui, répondant à l’impératif du statut d’universitaire, se trouve déjoué. Vais-je la replacer dans la case militante ou provocatrice ? « Culture basse » et « culture haute » se trouvent ainsi réexposées dans leurs hiérarchies respectives où le premier se voyait plus proche d’un corps « naturel » quand le second voulait se confondre avec les fonctions « supérieures » du cerveau. Le propos est alors mû par ce réagencement : l’organe du cerveau au service de l’organe de la pornographie où quand le « sexe » agit avec celui qui le scénarise. « A la violence de la société, je réponds par le pornoterrorrisme », écrit Diana J. Torres. Pour R. Borghi, ce travail sur le sexe doit commencer par une « nudité dans un lieu où tu n’es pas censée utiliser ton corps ». Ici, celui de l’université où elle expose tranquillement face à un public clairsemé mais terriblement concentré sur le texte de l’organe. Reste à savoir lequel. Il s’agit de redire quelle est la sexualité de ce sexe dans ses textes et contextes tels qu’ils sont vécus par les individus eux-mêmes mais sous dépendance de la typologie privé-publique, ci ramené à l’espace géopolitique masculin. Si l’hétérosexualité est ce régime d’un déjà-là géomasculin, quid de l’homosexualité, bi et trans sexualités ? Le sexe est-il toujours politique ? Quid alors de la nudité dans les espaces publiques ? Est-elle déjà sexuelle ainsi dégenrée ? En sachant sa politisation, quelle est la part subjective restante dans la mise en œuvre d’une sexualité que notre époque veut « épanouissante » ? Comment peut-elle être réellement épanouissante quand elle est l’objet d’un tel corpus de regards prescrits ? La question n’est pas anodine à l’heure des modifications corporelles et de l’intersectionnalité des reformulations postféministes. En écoutant R. Borghi, une question d’une jeune femme m’est revenue : Dieu me voit-il quand nous faisons l’amour ? Question que le postporn reformule immédiatement : Que fait l’Etat, les théories ou Dieu au milieu de nos ébats ? Et de répondre sous forme de questions ; quel rapport notre sexe entretient-il avec notre genre en termes de sexualité et nudité ? Car cette dernière n’est plus jamais nue mais toujours inscrite dans un corpus limité de normes et un contexte situé le délimitant : la nudité renvoie au genre et non à un corps nu. Nous définissons notre corps-sexe par notre genre ainsi doté.es par la culture d’un « sexe féminin » ou « sexe masculin ». Dans cette reformulation, l’on comprend la concurrence inattendue que l’identité de genre dispute à l’identité sexuelle : tous deux sont des concepts d’une acception pas si opposée que cela si ce n’était les conflits instrumentalisant politiquement un clivage afin de pourvoir à une domination d’ensemble. Et ainsi, le transsexualisme devient-il pensable et conceptualisable, que lorsque la trans-sexualité, assez proche de la pan-sexualité, disparaît-elle du paysage ? Tout se passe alors comme si l’identité ne pouvait accéder à une légitimité et stabilité que lorsque la (sa ?) sexualité passe de l’espace public à l’espace privé, du corpus des normes à l’intériorisation cachée de celles-ci. On se rappellera ici utilement que notre culture ne définit pas le genre du corps intersexe, voire qu’il ne le définit même plus par un sexe mais par un état : des états intersexués. Une ultime exception ordonnée « en raison » par l’Occident à son propre régime ou ultime excision du corps non conforme ? « Nous savons que le corps s’est mis à signifier comme ça mais que nous pouvons le faire signifier autrement. Le genre peut être pensé comme les effets de certaines pratiques culturelles […]. Mais nous pouvons nous approprier ce processus et faire ce que nous voulons de notre sexe et du masculin et du féminin » Q comme Queer2. Le zoo renversait dans ses pratiques intersectionnelles les sujets discriminés en regards analysant, renvoyant le curieux au voyeurisme, le zoo en une fabrique d’une monstration évidée de son contexte pour faire surgir un « universalisme ». De fait, la nudité dans un tel contexte oblige à regarder de beaucoup plus près de quelle étoffe est faite la parole universitaire qui sait, se pare et expose ses diplômes, savoirs et paroles lestes d’une maitrise de son sujet. Comment croire qu’il n’y a pas de provocation dans une telle monstration ? Que ne veulent pas voir tous ses regards qui se fixent sur cette parole sachant en évitant la nudité tranquille de R. Borghi ? La pratique de notre nudité est terriblement normée et surtout, elle fait advenir le genre parce que son manque est criant et brusque dans un tel lieu. Un manque qui nous redit que le genre est l’expression de la totalité des effets des pratiques socioculturelles et pour cela, il est irrémédiablement politique car il est définitivement totalisant, cumulant dans son fonctionnement intégration d’un Même et oppression et rejet d’un Autre. Plus que jamais, en ôtant nos vêtements, nous n’ôtons jamais notre genre puisque celui-ci en définit l’enceinte sociopolitique et son intériorisation subjective. Nous ne pouvons distinguer le sexe du genre qu’en sortant du paradigme binaire collectif/individuel, Nous/eux. Plus que jamais cette enceinte traditionnellement définie dans le cadre social est interrogé et en bouscule les délimitations et barrières en faisant surgir les hiérarchies et inégalités d’accès et d’expression. La plage et nos jeux et vacances d’été en est sans nul doute l’expression sociale la plus aboutie. L’histoire de nos corps est désormais inséparable de l’histoire de nos normes. D’où il ressort qu’à tirailler l’un par l’autre, il en advient cette chose que nous appelons contemporainement « déconstruction » : reconstruire en ayant défait de qui avait été construit en produisant de l’exception et de l’exclusion.
Concluons : si dans la pornographie, la scène consistait à faire de la sexualité avec du sexe, le postporn consiste à faire de la sexualité et nudité avec du « Genre », c’est-à-dire des rapports inégaux de sexe transformés en rapports sociaux (de sexe). Plus encore, au sortir de l’atelier mixte drag-king proposé par R. Borghi, il n’y avait plus aucun doute pour tou.te.s les participant.es sur l’occupation spatiale dudit « espace public », étant en pratique une géopolitique masculine et non un espace neutre, ouvert à tou.te.s. Et ainsi de la nudité et sexualité exposées aux violences normatives dès lors qu’elles franchissement le Rubicon de la division si bien nommée « sociosexuelle ». Il s’ensuit que faire surgir le genre dans la graphie porno, au moment même où elle apparaît dans la nudité, c’est faire apparaître la violence des monstrations et normations. Aussi, est-il grand temps de parler de sexualités et non de sexualité, de Genre et non de genres.